LES JARDINS SUSPENDUS, LIMOGES
Europan 16 - Ville vivante - 2021
Le projet aborde la ville à l’image d’un être vivant.
Il est interconnecté et interdépendant. Il vit dans un milieu défini : la biorégion. C’est l’assemblage symbolique de quatre strates : la géographie, les êtres vivants, l’eau et les humains. A l’échelle du quartier des “jardins suspendus”, les projets permettent d’affirmer l’identité du lieu.
Chaque projet passe par un cycle de vie et interagit pour s’adapter dans une relation symbiotique avec son milieu. Quatre actions majeures sont développées : développer des espaces végétalisés partagés, restaurer les connexions au paysage, valoriser et échanger les ressources locales et encourager une programmation mixte et mutable.
C’est un projet ambitieux et tourné vers l’avenir. Il est inclusif, contextuel et convoque tous les enjeux du territoire.
LIMOGES, VILLE VIVANTE AU CŒUR D’UN SYSTEME
INTERCONNECTE ET INTERDEPENDANT :
LA BIOREGION.
Limoges dispose déjà de nombreux atouts qu’il est nécessaire de raviver pour qu’elle soit une ville vivante. Nous partons du postulat que la ville, pour être vivante, doit être appréhendée comme un être vivant. L’être vivant n’est pas un être isolé, il est interconnecté et interdépendant. Il vit dans un milieu défini. Ce milieu, nous l’identifions sous le prisme de la biorégion.
La biorégion est l’assemblage symbolique de quatre strates – la géographie, les êtres vivants, l’eau et les humains. Les limites des territoires qu’elle recouvre sont donc multiples, comme une sorte d’emboîtement d’échelles.
Ces strates sont autant d’atouts de développement pour la ville qu’elle se doit d’identifier et intégrer dans l’ensemble de ses projets pour devenir une ville vivante. L’enjeu, ici, n’est donc pas de se concentrer sur les limites de la biorégion mais sur son contenu : c’est-à-dire de commencer par essayer de percevoir ce qui la définit.
La biorégion limougeaude donne une cohérence et du sens au développement de la ville. C’est une opportunité de renforcer les liens et les échanges dans le territoire. Le quartier d’étude devient un site de développement et d’expérimentation d’une rénovation urbaine qui intégrera les quatre strates biorégionales dans un projet inclusif et vivant. Ce multi-site est appréhendé comme une biorégion urbaine : un espace géographique tenant compte des milieux habités plutôt qu’un territoire administratif ou politique.
-
Limoges se situe à l’extrémité occidentale du massif central. Cette position caractérise l’ensemble des enjeux de la ville. Son territoire est marqué par une topographie qui lui a donné son identité et a influencé son développement. Cette première strate géographique fournit les grands repères qui structurent la biorégion limougeaude.
-
L’ensemble des cours d’eau forment des couloirs écologiques qui traversent et modifient la géographie des lieux. Ils abritent la richesse de la vie et de ses migrations. Le territoire de Limoges dispose d’un réseau hydrographique généreux avec la Vienne mais également la Laurence, l’Auzette et la Valoine. La ville a déjà compris l’importance et la qualité de ces espaces et a commencé à qualifier et valoriser ses espaces verts et ses berges.
-
La faune et la flore ont précédé l’implantation de la ville. Ils sont spécifiques à la biorégion et caractérisés par sa géographie et son climat. C’est une strate qui n’a que trop peu de présence dans nos villes contemporaines. Limoges ne fait pas exception à ce constat. Il convient de conforter leurs milieux mais aussi les connexions entre ces milieux. Les êtres vivants qui y habitent doivent aussi pouvoir se déplacer.
-
Cette strate comprend les différentes «empreintes» laissées par les êtres humains sur le territoire qu’ils habitent : constructions (bâti, infrastructure, agriculture), artisanat, histoires et habitudes culturelles, etc. C’est, dans la ville, la strate qui a l’empreinte la plus importante aujourd’hui.
METHODOLOGIE - UN PROCESSUS VIVANT DANS UN ECOSYSTEME DURABLE
Le projet met en œuvre un processus qui est à l’image d’un être vivant dans son écosystème. Chaque projet passe par un cycle de vie et interagit pour s’adapter à son environnement, en construisant une relation symbiotique avec son milieu. La durée du cycle est variable. Le temps est une matière essentielle de la méthodologie et le déclin fait parti du processus. Il est une opportunité de renaissance.
Temps 1, semer
Nous proposons dans un premier temps de coloniser les sites de nouveaux usages cohérents avec les ambitions de la biorégion. Ces usages vont permettre, rapidement, de créer de la vie et de l’attractivité dans le quartier. Ce premier temps ne demande que peu d’aménagements. L’essentiel étant de mettre en place des supports actifs de production et de régénération.
Temps 2, cultiver
Les usages, mis en place de façon parfois informelle, engagent la participation des habitants pour se développer ou s’adapter. Les usages résilients sont pérennisés sur le site de projet. Ils façonnent les lieux dans lesquels ils sont installés. Les espaces, majoritairement existants, sont ainsi repensés, recyclés, reconstruits pour pérenniser l’activité.
Temps 3, recycler
Au bout du cycle, l’usage est devenu obsolète. Il ne répond plus aux attentes des habitants. L’espace entre alors dans une phase de mu- tation. Il peut s’endormir pour quelques temps avant de retrouver une activité ou être recyclé pour laisser place à un nouvel usage et une nouvelle opportunité en reprenant le cycle.
LE QUARTIER DES JARDINS SUSPENDUS,
ACTIONS DE DEVELOPPEMENT POUR LA VILLE VIVANTE BIOREGIONALE
Le renouveau et l’avenir du quartier passent par des actions sur des thèmes structurels qui permettront d’affirmer l’identité du lieu et d’orienter son développement sous le spectre de la biorégion.
-
Aujourd’hui, Limoges, comme la quasi-totalité des villes occidentales, s’est développée en ne favorisant que la strate humaine. Nous proposons un rééquilibrage en valorisant la strate des êtres vivants. Limoges dispose déjà de beaux atouts avec un réseau hydrographique qui forme un réseau d’espaces naturels, espaces tiers, en connexion et ouvert sur le grand paysage: le «Plateau des Mille-vaches» et le «Plateau du Limousin».
Nous proposons de repenser le statut des rues et des venelles en végétalisant autant que possible ces espaces. Leur entretien est envisagé sous forme d’espaces tiers majoritairement en autogestion. Ces espaces accompagnent les flux et structurent des îlots de fraîcheur qui permettront de prévenir d’un réchauffement climatique important en ville.
• végétaliser les rues et venelles pour agrandir le territoire d’espaces verts connectés et créer de véritable couloirs écologiques en ville,
• dé-imperméabiliser les grands plateaux,
• proposer une gestion raisonnée de l’eau,
• développer de pépinières urbaines constituée d’essences bio-régionales et de l’agriculture urbaine expérimentale,
• intégrer des habitats pour la faune dans chaque projet.
-
La mise en relation et le déplacement sont des caractéristiques essentielles pour un être vivant. Cela lui permet d’interagir avec son environnement. Les rues connectent les êtres humains. Pour favoriser les échanges à l’échelle de la biorégion, le projet renforce et crée des connexions au grand paysage ; conforter les couloirs éco- logiques que forment les rivières et leurs ripisylves. A l’échelle de la ville, il s’agit de développer les connexions plantées et à l’échelle du projet, de travailler la porosité des parcelles. La trame viaire, déjà très riche dans le quartier, est renforcée pour développer le maillage manquant et créer les liens nécessaires.
Cette action permet de constituer un grand réseau d’espaces végétalisés propice à la circulation de la faune et au développement d’un paysage végétal urbain allant de la berge au jardin : continuités écologiques.
• connecter les corridors écologiques avec les rues, venelles et parcelles,
• ouvrir les impasses,
• créer des traversées dans les grandes parcelles.
-
Notre manière d’occuper le territoire, d’habiter et de construire ont un impact très important sur nos milieux. Le projet propose un nouveau paradigme en sortant du principe de consommation des territoires et des ressources pour valoriser l’échange et le recyclage. Pour y parvenir, nous proposons que l’ensemble des constructions et rénovations du quartier mettent en oeuvre la culture constructive locale et fasse usage de matériaux locaux biosourcés dans la bioré- gion ou issus du recyclage.
L’ambition est, à la fois, écologique, sociale et culturelle. C’est une manière de reconstruire la ville tout en créant de l’emploi local et en valorisant des filières d’éco-matériaux locaux. L’ambition culturelle passe par la valorisation d’un savoir-faire local qui est exposé dans des démonstrateurs. L’acte de construire prend une dimension nou- velle, une dimension collective et inclusive. La filière locale se déve- loppe à mesure que la ville est rénovée. Les chantiers sont l’occasion de mettre en valeur ce savoir-faire. Ils deviennent de véritables démonstrateurs pour la biorégion.
L’architecture proposée est, de ce fait, hyper contextuelle. Elle prend vie dans le déjà-là et est transformée avec les artisans, les techniques et les matériaux disponibles dans la biorégion. Les matériaux comme la pierre, le bois et la terre crue reprennent leur place dans l’architecture contemporaine à Limoges.
• développer un centre de valorisation des matériaux de récupérations et biosourcés,
• développer la formation pour les techniques de constructions,
• créer des démonstrateurs pour donner à voir la culture constructive,
• soutenir le développement de la filière bois, terre, chanvre sur le territoire de la biorégion.
-
Encourager une programmation mixte et mutable à l’échelle de la biorégion
La lecture du territoire par le spectre de la biorégion suggère de réévaluer la gouvernance dans l’aménagement du territoire. Les entités administratives en place ont toujours leur pertinence mais elles doivent être complétées par une entité à l’échelle de la biorégion limougeaude. Celle-ci agit dans l’intérêt de la biorégion de manière à favoriser le développement de projets qui participent à un écosystème local.
Cette entité est en charge de veiller à la prise en compte de l’ensemble des acteurs et enjeux du territoire dans le développement des projets et des usages. L’objectif est que le développement de la ville et du territoire soit inclusif et vertueux.
• développer une gouvernance de la biorégion ayant des com- pétences sur des thèmes plutôt que sur un territoire géographique,
• développer un centre d’interprétation de la biorégion,
• valoriser les quatre strates de la biorégion dans l’ensemble des projets du territoire.
Les logements-ateliers et la rue habitée
habiter la biorégion
Le quartier dispose déjà de nombreuses typologies de logements. Par son histoire, il dispose aussi d’anciens bâtiments industriels. Il est particulièrement adapté au développement de logements-ateliers et de micro-entreprises.
Ce sont des logements qui disposent d’espaces d’expression et de création. Ils permettent aux habitants de développer leurs activités professionnelles ou leurs passions. Les ateliers sont adressés sur la rue pour valoriser un savoir-faire et permettre l’accueil du public. Le logement se retrouve aux étages ou en cœur d’îlot.
Ces logements, comme l’ensemble des bâtiments dans le quartier, valorisent le déjà-là et sont rénovés grâce aux artisans et matériaux issus de la biorégion. Le projet encourage un recyclage des espaces et matériaux existants.
L’échelle du quartier permet d’aménager une rue qui devient un espace de vie à part entière. Elle est un véritable prolongement de la maison et de l’atelier. C’est un lieu de vie et de rencontre entre les habitants. L’appropriation est encouragée par l’ajout d’espaces plantés, de bancs et de zones de rencontres.
L’atrium des archives
partager le patrimoine de la biorégion
L’intervention sur cet ensemble permet de valoriser le patrimoine bâti et la fonction principale : le stockage des archives de la ville et du territoire. C’est un lieu de mémoire, un lieu qui peut prendre une dimension symbolique importante dans le quartier. Cette fonction est le point de départ d’une mutation des lieux pour en faire un espace ouvert. La consultation est favorisée par l’ouverture d’un patio planté.
L’histoire et la mémoire sont partagées au cœur du patrimoine bâti du quartier. La valorisation de ces ressources permet de porter un regard sur l’héritage et le patrimoine de la région. Le projet encourage la transmission entre les générations dans un de lieu les plus anciens et fondateur de la ville.
Les rues : espaces habités et partagés
connecter les écosystèmes de la biorégion
Les rues et venelles du quartier sont réaménagées pour favoriser le déplacement des personnes mais également pour favoriser les continuités écologiques et le déplacement de la faune et de la flore. L’objectif est de créer un réseau continu depuis le grand paysage et les berges de la Vienne pour irriguer la ville de venelles en jardins. La notion de “ville à la campagne” prend ici tout son sens pour l’ensemble des êtres-vivants et pas seulement pour les êtres humains.
Les accès aux maisons et bâtiments sont maintenus via des voies partagées ainsi que des poches de stationnement stratégiquement localisées sur le quartier.
Les rues permettent à tous les usagers de partager une voie carrossable réduite à son minimum. Cela permet de réintégrer une végétalisation importante entre les bâtiments. Les venelles sont entièrement réservées aux circulations douces et à la faune. Les surfaces enrobées sont démontées et recyclées pour être remplacées par des platelages bois qui serpentent dans des voies entièrement végétalisées. Des connexions dédiées aux petits animaux sont créées entre les jardins.
L’atelier ouvert et la cour des matériaux
échanger avec la biorégion
Cette friche dispose de nombreux atouts, avec de larges espaces en terrasses surplombant la pente et des bâtiments à réhabiliter. Ils sont disposés à accueillir et à valoriser les matériaux de construction biosourcés de la biorégion. C’est un lieu de recyclage et d’échange avec les territoires de la biorégion.
C’est également le lieu référence pour la formation des artisans et la diffusion des matériaux régionaux. Il s’agit à la fois d’un grand marché de matériaux et d’une école de l’artisanat de la construction grâce à ses ateliers ouverts. Pour valoriser les matériaux locaux et la diffusion du savoir-faire, le site fonctionne comme un démonstrateur, il est ouvert au public grâce à un café-restaurant situé sur un plateau haut. La mise en relation des usages à pour but de décloisonner les fonctions de la ville.
L’hôtel de la biorégion et les terrasses plantées
gouverner avec la biorégion
Ce site est le plus grand du quartier, c’est un atout qu’il est préférable de conserver. Il dispose cependant de nombreuses possibilités pour être traversé et connecté aux quartiers voisins. Grâce à sa position intéressante par rapport au Parc des berges de la Vienne, nous proposons que ce site devienne le haut lieu de la biorégion au sein de la ville. Sa position surélevée et les constructions existantes en font le cadre parfait pour mettre en valeur le territoire.
C’est un lieu de gouvernance et d’étude des territoires de la biorégion. D’autre part, des pépinières et de l’agriculture urbaine expérimentale sont développées sur les terrasses. C’est également un point de départ symbolique pour les randonnées vers le grand pay- sage. Pour ce faire une connexion forte est créée avec les berges de la Vienne. La tour devient un espace public, démonstrateur des atouts de la biorégion. Elle est surplombée par de nouveaux espaces qui forment un belvédère sur le grand paysage en offrant une vue lointaine sur le territoire. Ces fonctions sont très importantes pour ancrer la compréhension des enjeux de la biorégion pour les habitants mais aussi pour les touristes de passage. Les quatre strates sont ici détaillées, expliquées et valorisées pour mettre en évidence les atouts et les enjeux du territoire limougeaud.
Inventaire de la faune et la flore locale,
acteurs essentiels et pourtant encore trop souvent oubliés des grands projets urbains.
type d’intervention : Etude urbaine
localisation : Limoges FR.87